Quels sont les bénéfices des femmes directement engagées dans les textes halakhiques ?
Une introduction à Deracheha.
In Brief
Écrit par Laurie Novick, traduit par Lucie Chaix
Rav Ezra Bick, Ilana Elzufon et Shayna Goldberg, éds.
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Comment la tradition juive est-elle transmise ? Faut-il mettre l’appui sur l’intellect ou sur l’expérience ?
Le rabbin Joseph Soloveitchik affirme que l’on appuie sur les deux : moussar avikha, la discipline intellectuelle-morale de la Torah et Torat imekha, l’expérience vécue de Dieu et de la Torah au sein du foyer, qu’il identifie principalement avec les femmes.
Quelles sont les sources de l’autorité halakhique traditionnelle ?
Le Dr. Haym Soloveitchik identifie deux traditions ; chacune ayant son poids halakhique : une tradition halakhique textuelle transmise par l’étude et une tradition mimétique transmise par l’imitation et l’enseignement informel.
Où se situent traditionnellement les femmes dans ces cadres ?
Les femmes ont transmis une connaissance halakhique à leurs enfants par la tradition mimétique et ont exercé une autorité halakhique en prenant des décisions halakhiques pratiques de manière quotidienne.
Y-a-t-il eu des femmes qui ont combiné le monde textuel et celui de la tradition ?
Oui. La rebbetzin Bayla Falk (XVIIème siècle, Pologne) était un modèle combinant une connaissance halakhique exceptionnelle avec une participation complète dans la tradition par l’expérience.
Est-ce toujours pertinent aujourd’hui ?
L’autorité du foyer a été affaiblie avec les changements rapides de la vie moderne. Dans de nombreuses communautés, le rôle traditionnel de la femme a perdu son autorité au profit des textes.
Où allons-nous maintenant ? Que se passe-t-il maintenant ?
Une connaissance textuelle peut aider les femmes à observer, préserver et transmettre la Halakha.
Les femmes doivent rencontrer plus de textes de manière directe et travailler ensemble pour comprendre les problématiques halakhiques tant à travers les textes qu’à travers la tradition. C’est le but de Deracheha.
Sources
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INFLUENCE RELIGIEUSE
משלי א:יח
שְׁמַע בְּנִי מוּסַר אָבִיךָ וְאַל-תִּטֹּשׁ תּוֹרַת אִמֶּךָ:
Proverbes 1:8
מדרש משלי פרשה א סימן ח
ד”א שמע בני מוסר אביך. זו תורה שבכתב. ואל תטוש תורת אמך. כל מה שנתפרש לך בסיני מפי הגבורה
Midrash Mishlei 1:8
Ecoute, mon fils, les remontrances de ton père (moussar avikha) » – il s’agit de la Torah écrite. « Ne délaisse pas les instructions de ta mère. (torat imekha) » – tout ce qui t’a été expliqué au Sinaï à travers la parole de Dieu.
Rav Y. D. Soloveitchik 'A Tribute to the Rebbitzen of Talne', pp. 76-77
Le père enseigne à son fils la discipline de la pensée ainsi que la discipline de l’action. La tradition du père est intellectuelle-morale. C’est pourquoi elle est identifiée comme moussar, le terme biblique pour discipline… Quelle Torah la mère transmet-elle ?… Que le judaïsme s’exprime non seulement en se conformant formellement à la loi mais également à travers l’expérience. Elle (ma mère) m’a enseigné qu’il y a un parfum, une essence et une chaleur aux mitzvot. J’ai appris d’elle la chose la plus importante dans la vie – de sentir la présence du Tout-Puissant et la douce pression de Sa main posée sur mes maigres épaules.
Rav Y. D. Soloveitchik, Chumash Mesoret haRav, Bamidbar, pp. 221
Il y avait deux mesoros que Moïse transmit à Yehochuah. L’une est la tradition de l’étude de la Torah, de la lomdus. La seconde mesorah est l’expérience. Il est possible de connaître le traité de Shabbat dans son intégralité et ne pas savoir ce qu’est Shabbat. Pour véritablement savoir ce qu’est Shabbat, il faut passer du temps dans une maison juive.
Rav Y. D. Soloveitchik, cited R. Aaron Rakeffet-Rothkoff, The Rav, vol. 1, pp. 149-150
Il m’enseigna ce que personne d’autre ne m’enseigna. Il y a peut-être une exception, ma mère… Il m’enseigna comment vivre le judaïsme et non simplement comment le pratiquer.
TRADITION MIMETIQUE
Dr. Haym Soloveitchik, 'Rupture and Reconstruction The Transformation of Contemporary Orthodoxy', pp. 65, 67, 71
Une manière de vivre ne s’apprend pas mais est absorbée. Elle se transmet de manière mimétique, à travers parents et amis, et une conduite observée régulièrement à la maison et dans la rue, la synagogue et à l’école… Ce n’est pas exagérer que la communauté ashkénaze voit la loi s’exprimer de deux façons : dans le corpus canonique écrit (le Talmud et les codes), et dans les pratiques de la population. La coutume est une donnée corrélative du système halakhique. Et, à de fréquentes occasions, l’écrit était relu à la lumière de l’attitude traditionnelle… La coutume est puissante mais son véritable pouvoir est informel. Il est dérivé de la capacité de l’habitude à neutraliser les implications de la connaissance littéraire. Tout ce qui est appris par l’étude qui peut entrer en conflit avec une pratique coutumière ne peut pas vraiment être correcte, puisque les choses ne peuvent simplement pas être différentes qu’elles le sont. Une fois que cette inconcevabilité est perdue, l’usage perd beaucoup de sa force.
LES FEMMES ET L’EXPERTISE MIMETIQUE
שו”ת מהרי”ל החדשות צג
הנח להו לבנות ישראל, אם אינן נביאות הן, בנות נביאות הן. ומנעוריהן בקיאין הן על פי אימותן והורתן.
Maharil, Nouvelles Responsa, 93
Laisse les filles d’Israël, (puisque) si elles ne sont pas prophètes, elles sont filles de prophètes. Et depuis leur jeunesse, elles sont expertes selon leurs mères et leurs enseignements.
ברכות לט:
אמר רבינא: אמרה לי אם ‘אבוך עביד כרבי חייא’…
Brakhot 39b
Ravina dit : Ma mère me dit « Ton père agit selon (la jurisprudence de) Rabbi Chiyya. »
שו”ת ר”י הזקן סימן מו
אם אינם נביאות, בנות נביאים הם וגדולי הדור ויש לסמוך על המנהג:
Responsa Ri Ha-zaken 46
Si (les femmes dans ce domaine de la Halakha) ne sont pas prophètes, elles sont filles de prophètes et les grandes de la génération et l’on doit s’appuyer sur la coutume (qu’elles disent).
REBBETZIN BAYLA FALK
דרישה ופרישה הקדמת בן המחבר
האשה החשובה הגבירה הצנועה והחסידה והישרה הלא היא אמי מורתי הרבנית מרת בילה…ראויה היא לחלוק לה כבוד ולהעלות על הספר קצת מעשיה הטובים להיות לנו לזכר לדורות ולמען ילמדון ממנה כל בנות ישראל…ולכבוד שבת עשתה כל מיני מטעמים ומעט נהנה מהם רק שלחה לעניים ולבני בית. וכל ימיה הן בימי החורף הן בימי הקיץ עמדה תמיד בזריזות קודם אור היום כמה שעות והרבית להתפלל בכוונה גדולה בתפילות ובתחנונים לפני המקום ברוך הוא. ובידה מפתח עזרת הנשים שהיתה ראשונה מבאי בית הכנסת ואחרונה שעה אחת או שתים אחר יציאת העם מבית הכנסת שהגמירה תפלותיה ותחנוניה. ואחר התפלה לא שם נפשה לשום דבר בטלה רק מחיל אל חיל עוסקת בתורה פרשה של ימי השבוע עם פירוש רש”י ושאר מפרשים כידוע לכל תלמיד אבי מורי ורבי ז”ל מאוכלי שלחנו שתמיד אשר היו פוטרין השלחן בדברי תורה היתה אוזרת כגבר חלציה במשא ומתן בדברי תורה ולפעמים אשר המציאה מדעתה איזה פשט מתוק מדבש נופת תטופנה שפתותיה ובפרט בדיני נשים ובהלכות נדה היתה בקיאה כמעט כאחד מבעלי הוראה.
Rav Yosef Falk, Introduction by the Author's Son to Derisha and Perisha
La femme distinguée, la noble, modeste et pieuse et droite dame, n’est-elle pas ma mère et mon enseignante Rebbetzin Enseignante Bayla… Elle est digne de répartir son honneur et de mettre par écrit un peu de ses bonnes actions, afin d’avoir une trace pour nous et les générations à venir et pour que les filles d’Israël apprennent d’elle… Et en l’honneur de Shabbat elle préparait toutes sortes de mets et n’en profitait que peu elle-même; elle les envoyait aux pauvres et aux membres de sa maison. Et toute sa vie, que ce soit en hiver ou en été, elle se levait toujours plusieurs heures avant le lever du soleil et priait intensément avec beaucoup d’intention devant Dieu, que Son nom soit béni. Elle avait la clef de la section des femmes (de la synagogue), puisqu’elle était la première à arriver à la synagogue et la dernière, une heure ou deux après que la plupart avait quitté les lieux, à finir ses prières. Après la prière, elle ne s’occupait pas de frivolités, mais se concentrait sur des sujets de valeur, étudiant la portion de la Torah des jours de la semaine avec le commentaire de Rachi et autres commentateurs, ce que savent toutes les étudiants de mon père et mon maître que sa mémoire soit bénie, qui s’asseyait à sa table. Comme toujours, alors qu’ils finissaient le repas avec des paroles de Torah, elle ceignait ses reins tel un homme dans la discussion des paroles de Torah. Parfois, elle concevait une explication originale plus douce que le nectar de miel s’écoulant de ses lèvres. Et surtout en ce qui concerne les lois s’appliquant aux femmes et les lois de nidda elle était quasiment aussi experte que ceux qui donnent des décisions halakhiques.
Deracheha
משנה ברורה הקדמה
כי אין הדין יכול להתישב היטב בדעת האדם כל זמן שאין יודעו בטעמו ונמוקו
Mishna Brura, Introduction
La loi ne peut pas être proprement acceptée par quelqu’un tant qu’il n’en comprend pas les bases logiques et les raisonnements.
Shayna Goldberg, 'Why I Believe in Women and Their Batei Midrash'
Une femme qui est sérieusement engagée dans l’analyse traditionnelle de nos textes primaires peut conserver de l’intérieur… Elle est au courant d’une compréhension plus sophistiquée et une appréciation du fonctionnement de la halakha, et ainsi développe un plus grand respect pour le système halakhique. Elle peut comprendre les principes-clefs. Elle peut différencier entre deoraïta, derabbanan et minhag. Et elle peut comprendre quand et pourquoi des exceptions peuvent être faites… Une femme qui a étudié un sujet en profondeur a une plus grande capacité d’apprécier différentes approches, de comprendre plusieurs opinions et d’apprécier les décisions prises par des communautés différentes.